03/05 — Nouvelle mesure pour les patients psychiatriques potentiellement dangereux : le traitement volontaire sous conditions

Pour les personnes atteintes d’un trouble psychiatrique et présentant un danger potentiel pour elles-mêmes ou pour la société, le juge pourra désormais ordonner un traitement volontaire sous conditions. Il s’agit d’une nouvelle mesure qui se situe entre l’admission forcée et le traitement volontaire. Elle permettra d’assurer un meilleur suivi du traitement volontaire des personnes présentant un danger potentiel. L’attentat de Schaerbeek en novembre 2022, au cours duquel un policier a perdu la vie, a souligné la nécessité de cette mesure. En outre, la législation sera également adaptée aux connaissances actuelles en matière de soins de santé mentale. La réforme des ministres de la Justice, Paul Van Tigchelt, et de la Santé publique, Frank Vandenbroucke, concernant les soins de santé mentale a été approuvée en séance plénière au Parlement fédéral.

Si une personne est atteinte d’un trouble psychiatrique avéré, qu’elle présente un danger pour elle-même ou pour son entourage et qu’aucune autre solution, telle que l’admission volontaire, n’est possible, le juge de paix peut ordonner l’admission forcée dans une section psychiatrique d’un hôpital.  Il ne s’agit pas d’une peine, mais d’une mesure de protection. Dans les cas très urgents où il y a un danger imminent, le procureur du Roi peut prendre la décision provisoire de procéder à une admission forcée. Il s’agit de la procédure dite d’urgence. Le juge de paix devra alors confirmer cette décision dans les 10 jours.

Toutefois, une admission forcée est un événement marquant, tant pour la personne concernée que pour son entourage. Par conséquent, la nécessité de cette mesure de protection doit toujours être évaluée de manière consciencieuse face aux inconvénients et aucune admission forcée ne peut avoir lieu si la personne souhaite se faire traiter volontairement.

Recommandations du groupe de travail et attentat contre les policiers

Cependant, le traitement volontaire ne relève pas de la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux et donc de la compétence de la Justice. Il est donc difficile pour le ministère public d’assurer le suivi du déroulement du traitement et de savoir si la personne concernée a mis fin à son admission. C’est l’un des éléments qui est apparu lors de l’enquête sur l’attentat du 10 novembre 2022 à Schaerbeek contre le défunt policier Thomas Monjoie et son collègue. En effet, l’auteur de l’attentat aurait été volontairement interné pour ses problèmes psychiatriques, ce qui a empêché le ministère public d’imposer une admission forcée par la procédure d’urgence. Cependant, après que la police a transféré l’homme dans la section psychiatrique de l’hôpital, le traitement n’a pas pu être entamé du fait que l’auteur de l’infraction avait quitté les lieux. Les conséquences se sont avérées dramatiques.

Une réforme de la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux s’imposait depuis longtemps, en vue de tenir compte des évolutions dans le domaine des soins de santé mentale. Le 3 novembre 2022, le groupe de travail désigné à cet effet a publié son rapport final. Le point de départ est d’éliminer la stigmatisation entourant les troubles psychiatriques, de recourir le moins possible à la contrainte et de maximiser l’utilisation d’alternatives volontaires. S’il est malgré tout opté pour une admission forcée, la durée ne doit pas être plus longue que nécessaire.

Le ministre de la Justice, Paul Van Tigchelt, et le ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke, ont donc rédigé un projet de loi reprenant les recommandations du groupe de travail tout en prévoyant également une forme adaptée de l’admission volontaire : le traitement volontaire sous conditions. Ce projet de loi a été approuvé en séance plénière au Parlement fédéral le 2 mai 2024. Les réformes suivantes entreront en vigueur au 1er janvier 2025.

Nouvelle mesure : le traitement volontaire sous conditions

Le traitement volontaire sous conditions est une nouvelle mesure qui se situe entre l’admission forcée, d’une part, et le traitement totalement volontaire, d’autre part. Elle permet d’assortir ce traitement volontaire de conditions lorsqu’une personne entre en compte pour une admission forcée mais qu’elle décide de se faire soigner volontairement. Ainsi, il sera, entre autres, possible d’assurer le suivi du déroulement du traitement. Le traitement pourra être dispensé dans le cadre de soins résidentiels ou ambulatoires.

La personne concernée doit faire établir un plan de traitement en concertation avec un médecin et le soumettre au juge de paix, qui devra ensuite l’approuver ou non. Le médecin traitant surveille l’exécution du plan de traitement. Si la personne concernée ne souhaite plus être traitée ou si les conditions imposées ne sont plus remplies, le juge et le procureur du Roi doivent en être immédiatement informés afin qu’ils puissent imposer de nouvelles mesures telles que l’admission forcée.

Une procédure d’urgence est également prévue. Le procureur du Roi peut proposer au juge de paix un traitement volontaire sous conditions dans le cadre d’une requête et imposer des conditions jusqu’à la décision finale du juge de paix.

Période d’évaluation clinique de 48 heures dans la procédure d’urgence

Aujourd’hui, la plupart des admissions forcées sont imposées dans le cadre de la procédure d’urgence. Afin de garantir que ces décisions soient mûrement réfléchies, de mettre en avant l’aspect volontaire et d’éviter un usage abusif, une période d’évaluation clinique de 48 heures est prévue. Cette période permettra de mieux évaluer si la personne concernée entre bien en compte pour une admission forcée. La période d’évaluation permet également de vérifier si une personne qui propose elle-même de se soumettre à un traitement volontaire est crédible et, si nécessaire, d’assortir ce traitement volontaire de conditions.

Une approche plus large pour lutter contre la pression croissante sur les services hospitaliers

Désormais, l’admission forcée ne sera plus uniquement possible dans une section psychiatrique d’un hôpital agréé par les entités fédérées, mais pourra également avoir lieu dans un établissement résidentiel tel qu’une maison de soins psychiatriques, un centre pour personnes handicapées mentales, des centres pour toxicomanes, etc. L’objectif de ce changement est de pouvoir accueillir et traiter la personne dans un environnement plus familier et adapté, d’éviter de devoir interrompre le trajet de soins et d’arriver à une meilleure répartition. Toutefois, l’établissement résidentiel devra répondre à différents critères en matière de sécurité et de possibilité d’évaluation clinique. 

Droits et respect de la vie privée de la personne atteinte d’un trouble psychiatrique

Les droits de la personne atteinte de troubles psychiatriques seront renforcés : la personne concernée aura toujours droit à un avocat. L’avocat devra être impliqué dès le début de la période d’évaluation clinique dans la procédure d’urgence.

La manière dont la personne atteinte d’un trouble psychiatrique et son entourage sont impliquées dans la procédure a également changé, en vue de renforcer le respect de la vie privée. Le jugement ne sera plus envoyé à la famille dans son intégralité. Seul le dispositif, c’est-à-dire la décision, sera communiqué.

Modèles standard et adaptations terminologiques   

Le rapport médical circonstancié du psychiatre est le document de référence sur lequel le juge de paix fonde sa décision. Toutefois, certains rapports sont beaucoup plus détaillés et approfondis que d’autres. C’est pourquoi un modèle standard a été élaboré et doit désormais être utilisé lors de la rédaction d’un rapport médical. Un modèle standard sera également élaboré pour le plan de traitement.

Afin d’éliminer la stigmatisation entourant les personnes atteintes de troubles psychiatriques, la terminologie reprise dans la loi sera adaptée. En effet, les mots « malades mentaux » seront remplacés par « personnes atteintes d’un trouble psychiatrique » et « admission forcée » par « mesure d’observation protectrice ».

Ressources supplémentaires

Cette modification de loi nécessite également des moyens supplémentaires. Le ministre de la Santé publique, Frank Vandenbroucke, a investi cette législature dans le développement d’un programme de crise et d’urgence, dont 15 millions d’euros pour 28 unités HIC (High & Intensive Care) dans les hôpitaux et 23 millions d’euros pour renforcer les équipes mobiles. En 2024, les équipes mobiles de crise seront encore renforcées avec une fonction d’urgence et d’observation clinique, et ce, pour un montant de 23,9 millions d’euros.

Paul Van Tigchelt, Ministre de la Justice : « Dans le cas de personnes atteintes de troubles psychiatriques et présentant un danger pour elles-mêmes ou leur entourage, l’admission volontaire devrait toujours être l’option privilégiée. Toutefois, l’enquête sur l’attentat mortel contre le policier Thomas Monjoie et son collègue a montré que dans certains cas, la Justice a besoin de plus d’outils pour contrôler la situation. C’est pourquoi nous avons introduit le traitement volontaire sous conditions. Grâce à cette nouvelle mesure, la Justice devra immédiatement être informée si le traitement ne se déroule pas conformément au plan de traitement. Nous avons également introduit une période d’évaluation clinique de 48 heures pour nous permettre de prendre des décisions réfléchies. La loi sera désormais alignée sur les évolutions en matière de soins de santé mentale. »