Le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne a effectué mardi une visite de travail à Rome afin d’examiner comment notre pays doit organiser la détention des responsables du narcoterrorisme. En effet, l’Italie a une solide expérience dans la lutte contre le crime organisé. Le ministre a visité entre autres une prison dotée d’une aile spéciale où les chefs de la mafia sont incarcérés dans le cadre d’un régime strict. Il s’est ensuite entretenu avec le ministre italien de la Justice et le procureur antimafia.
La lutte contre le crime organisé ne se limite pas à poursuivre les criminels, à saisir leurs avoirs criminels et à prononcer et exécuter des peines de prison. En prison aussi, il faut empêcher ces gros bonnets de continuer à diriger leurs réseaux criminels pour poursuivre leur trafic, voire de recruter de nouvelles personnes à cette fin au sein de la prison. Il est donc important de prévoir un environnement hautement sécurisé.
Le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne et une délégation de l’administration pénitentiaire belge ont rencontré à Rome, entre autres, le ministre italien de la Justice Carlo Nordio, le procureur national antimafia Giovanni Melillo, le directeur de l’administration pénitentiaire italienne Giovanni Russo et le directeur de l’Unité spéciale d’intervention de l’administration italienne, le colonel Augusto Zaccariello. Ils disposent d’une solide expérience et expertise dans la mise en œuvre des peines prononcées à l’encontre des chefs de la mafia. L’Italie est un pays qui a réussi à réduire la toute-puissance historique de la mafia.
Une lutte de plusieurs décennies contre la mafia
Historiquement, la mafia avait une emprise importante sur la société. Principalement, les régions méridionales telles que la Sicile, la Calabre et la région de Naples ont continué à en souffrir pendant de nombreuses décennies. Mais depuis les années quatre-vingt, les choses ont changé. Les juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino ont été les fers de lance de la lutte contre la mafia italienne et ont réussi à envoyer plus de 300 mafiosi derrière les barreaux, pour un total de 2 665 années de prison. Mais ils l’ont payé de leur vie en 1992 lorsqu’ils ont été assassinés de sang-froid. Leur mort et la vague d’indignation qui s’en est suivie ont poussé la justice et la société italiennes à partir plus que jamais en guerre contre la mafia.
Il était clair que l’incarcération des barons du crime dans une prison ordinaire ne suffisait pas à arrêter les mafiosi. Pour briser complètement le pouvoir de ces barons du crime, il était important de les couper de leurs réseaux pendant leur incarcération. Moins d’un mois après l’attentat dont a été victime Giovanni Falcone, un nouveau régime pénitentiaire a été introduit à cette fin, sous le nom d’article 41-bis. Dans ce cadre, les chefs de la mafia sont strictement isolés et étroitement surveillés afin d’exclure tout contact possible avec leur organisation criminelle.
La task force se met au travail
Le ministre Van Quickenborne a visité une aile spécialisée de la prison où les chefs de bandes criminelles sont incarcérés sous un tel régime. A cette occasion, les détails des mesures prises dans le cadre de ce régime ont été abordés. Ainsi, les détenus sont constamment surveillés par des caméras et les conversations avec leurs proches sont enregistrées. Une salle est prévue pour les vidéoconférences afin d’éviter de devoir effectuer des transports dangereux des chefs de la mafia vers le tribunal.
A présent, le ministre Van Quickenborne fait examiner les aspects de ce projet qui pourraient être mis en œuvre dans le contexte belge. Pour ce faire, une task force sera mise en place dès demain, composée de spécialistes de la Sûreté de l’Etat, du parquet fédéral, de la police fédérale, de l’administration pénitentiaire et du cabinet de la Justice. Ils ne se contenteront pas uniquement d’examiner les aspects techniques et procéduraux, mais se pencheront également sur ce à quoi devraient ressembler le partage d’informations, le suivi des détenus, la protection du personnel pénitentiaire et sa formation. La task force prendra également en compte l’expérience acquise dans la lutte contre le terrorisme, plus particulièrement dans les ailes dites deradex des prisons de Hasselt et d’Ittre.
Le procureur antimafia Melillo a félicité notre pays pour sa coopération dans la lutte contre la mafia internationale de la drogue. Les tentacules de la mafia italienne s’étendent en effet jusque dans notre pays.
Vincent Van Quickenborne, ministre de la Justice : « Nous savons que la lutte contre le crime organisé dans notre pays est un combat long et difficile. Il ne s’agit pas seulement de punir, mais de veiller à ce que les chefs mafieux soient coupés de leurs réseaux après leur condamnation. Les Italiens ont réussi à casser les reins de la mafia. De même, nous ne partons pas de zéro. En effet, dans notre lutte contre le terrorisme, nous avons déjà par le passé isolé les individus les plus radicaux. Une taskforce examine à présent les éléments de l’approche italienne qui pourraient être mis en œuvre dans notre pays. »