2 ans après SKY ECC : près de 3 000 suspects et 1 125 années de prison déjà prononcées

Il y a deux ans, jour pour jour, la police et le parquet ont mené la plus grande action judiciaire et policière jamais entreprise dans notre pays. Cette action était le résultat du décodage d’un milliard de messages cryptés provenant du réseau de cryptophones criminel SKY ECC. Deux ans plus tard, il en ressort toujours des informations donnant lieu à de nouvelles enquêtes, avec aujourd’hui 526 affaires lancées et près de 3 000 suspects identifiés. Actuellement, deux ans après le décryptage, des peines ont déjà été prononcées dans 344 affaires individuelles, ce qui représente 1 125 années d’emprisonnement. Tour d’horizon deux ans après SKY ECC. 

Le décodage d’un milliard de messages cryptés du service de chat SKY ECC a véritablement changé la donne dans la lutte contre le crime organisé. Pour la première fois, les enquêteurs ont pu avoir une vue sur l’ensemble des réseaux criminels et toutes leurs ramifications, des dealers de rue, en passant par les lanceurs de grenades et les personnes chargées de retirer la drogue de conteneurs, jusqu’aux barons de la drogue au sommet. Tous les niveaux du réseau criminel ont été mis en lumière. Il est rapidement apparu que même le monde juridique supérieur était infiltré et corrompu par le crime organisé. Ainsi, la police et le parquet ont ouvert des dossiers dans lesquels des employés logistiques et administratifs du port, des membres du personnel de sociétés d’armateurs, des agents de surveillance, des importateurs, des propriétaires de hangars dans le port, des avocats, des douaniers, des officiers de police et même un employé du parquet figuraient parmi les suspects. Les pressions exercées par le crime organisé sur ces personnes et les sommes versées pour fermer les yeux ou révéler des informations sont souvent énormes. 

L’intelligence artificielle et l’apprentissage par machine learning ont été utilisés pour analyser efficacement les milliards de messages décryptés. Les messages ont notamment révélé des atrocités et des cas de torture pratiquée dans le monde souterrain que les enquêteurs auraient difficilement cru possibles ou qu’ils n’auraient attribué qu’à des groupes terroristes. 

Le 9 mars 2021, l’étendue du dossier SKY ECC a également été révélée au monde extérieur. Des perquisitions ont alors eu lieu dans notre pays, et ce, à près de 200 endroits différents. Il s’agit de la plus grande action judiciaire que notre pays n’ait jamais connue. Pour faire face à l’afflux de dossiers attendu, les renforcements nécessaires avaient déjà été effectués à la Justice au cours des mois précédents l’action. Le ministère public et les tribunaux ont donc été renforcés au début de l’année 2021 avec 61 personnes travaillant sur le dossier SKY ECC.  

SKY ECC : 2 ans en chiffres 

L’afflux de dossiers est désormais une réalité. En deux ans, le ministère public a déjà lancé 526 affaires distinctes contre un total de 2 961 personnes. Près de 110 millions d’euros d’argent criminel ont également été saisis. L’arrondissement d’Anvers est de loin à la tête du classement avec 351 dossiers contre quelque 1 789 suspects. Entre-temps, 344 jugements individuels définitifs ont déjà été prononcés, ce qui représente un total de 1 125 années d’emprisonnement. En outre, 144 peines prononcées ne sont pas encore définitives en raison des appels interjetés. Actuellement, 282 personnes sont citées à comparaître prochainement devant un tribunal. La majorité des accusés, soit 1 500 personnes, font toujours l’objet d’une enquête. Des centaines d’autres affaires sont actuellement au niveau de la chambre du conseil, de la chambre des mises en accusation ou ont déjà été initiées au tribunal mais le juge a prononcé un jugement interlocutoire. 

Ces derniers mois, plusieurs condamnations ont été prononcées. Ces condamnations concernent tous les secteurs de la mafia de la drogue. Ainsi, des peines ont été prononcées dans plusieurs affaires d’attentats dans les rues d’Anvers qui ont été résolues grâce aux messages de SKY ECC. Ainsi, les auteurs d’attaques à la grenade ont été condamnés à des peines allant jusqu’à 4 ans de prison (Sterlingerstraat à Borgerhout). Les donneurs d’ordre ont été sévèrement punis d’une peine allant jusqu’à 7 ans de prison (bombardement d’une façade Turnhoutsebaan à Deurne). 

Les gangs chargés de retirer la drogue des conteneurs dans les ports ont également été sévèrement punis. Les chefs d’un gang comptant 23 membres ont récemment été condamnés à 11, 12 et 13 ans de prison, 200 000 euros d’amende et à la confiscation de 6,2 millions d’euros pour avoir trafiquer plus de 6 tonnes de cocaïne par le port d’Anvers. Un autre célèbre baron de la drogue a été condamné à 8 ans de prison et à une amende de 32 000 euros après la découverte de 771 kilos de cocaïne par les douanes dans le port d’Anvers. Des travailleurs portuaires chargés de faciliter le retrait de la cocaïne des conteneurs ont également été condamnés à 5 ans de prison. 

Mais beaucoup d’autres personnes qui se sont laissé corrompre par la mafia de la drogue sont également passées devant le juge. Un agent de police a été condamné à 4 ans de prison, dont la moitié avec sursis, pour avoir divulgué à des criminels des informations provenant d’enquêtes sur des affaires de drogue. Un employé d’une société d’armateurs a été condamné à 6 ans de prison pour avoir fouillé des conteneurs et communiqué à la mafia de la drogue des informations sur les numéros d’identification de scellés, les codes pin et les adresses des destinataires.  

Investissement supplémentaire dans la Justice 

L’afflux d’affaires entraîne une énorme charge de travail pour la Justice. Des investissements supplémentaires dans notre système judiciaire ont été prévus pour pouvoir y faire face. Le ministère public d’Anvers sera renforcé par un procureur du port spécialisé, cinq substituts et du personnel d’appui, soit une équipe totale de 13 personnes. Au niveau du tribunal d’Anvers, une chambre spécialisée supplémentaire composée de trois juges sera mise en place. Celle-ci traitera uniquement les affaires de criminalité grave et organisée liées à la drogue. Il y aura également trois référendaires, deux greffiers et deux collaborateurs administratifs. Parallèlement, un juge d’instruction supplémentaire sera nommé. 

Rejet des arguments procéduraux 

Au cours de plusieurs procès, la défense de certains accusés a avancé des arguments procéduraux pour disculper leurs clients. Par exemple, il a été invoqué que les données issues du décryptage des messages cryptés SKY ECC seraient insuffisantes comme preuves et que les droits de la défense avaient été violés du fait que le ministère public n’avait pas autorisé l’accès au dossier-mère. Entre-temps, ces arguments procéduraux ont tous été systématiquement rejetés par les différents tribunaux.  

Extraditions 

Le défi consiste maintenant à obtenir l’extradition des chefs déjà condamnés ou recherchés et qui se cachent à l’étranger. Des traités d’extradition ont déjà été conclus à cette fin, notamment avec les Émirats arabes unis. Ce traité est entré en vigueur au 1er novembre 2022. La Justice compte sur une mise en œuvre rapide de ce traité. Dans ce contexte, une rencontre entre le ministre Van Quickenborne et l’ambassadeur des Émirats arabes unis a eu lieu cette semaine.  

Vincent Van Quickenborne, ministre de la Justice : « Le dossier SKY ECC a porté un coup terrible au crime organisé et le nombre de dossiers, de suspects ou de condamnations ne cesse d’augmenter chaque jour. Nous l’avions prévu dès le départ, c’est pourquoi nous avons veillé à fournir le renforcement nécessaire à la police, au parquet et aux tribunaux. La police et la Justice brident les réseaux criminels à un rythme plus élevé que jamais. Cependant, nous le constatons également au niveau de la population carcérale et du problème de la surpopulation. Donc là aussi, nous fournissons des capacités supplémentaires. La lutte contre le crime organisé durera encore de longues années. Mais sur la base des chiffres du fichier SKY ECC, je ne peux que conclure que nous avons déjà parcouru un long chemin en peu de temps. » 

Annelies Verlinden, ministre de l’Intérieur : « La percée majeure réalisée dans le dossier SKY ECC le 9 mars 2021 a porté un grand coup à un réseau de trafiquants de drogue d’une ampleur sans précédent jusqu’alors. Ces résultats impressionnants sont le fruit d’un travail policier ciblé et efficace, qui continue aujourd’hui encore à déstabiliser les réseaux criminels. Je tiens à remercier les nombreux policiers pour leur engagement, leur professionnalisme et leur persévérance. Nous poursuivrons à l’avenir la lutte contre la criminalité organisée internationale, avec l’ensemble des partenaires et avec un commissaire national « drogues » en tant que chargé de liaison. Mais comme pour les criminels de la drogue, notre approche ne s’arrête pas aux frontières nationales. La nomination d’un officier de liaison en Colombie et en Équateur et le renforcement des contacts avec ces pays sources conduiront indéniablement à de nouveaux résultats. Il faut un réseau pour combattre un réseau ! Et grâce à ce réseau, nous rendons notre société plus sûre. »