05/04 — Réformes majeures approuvées concernant les repentis, le plaider coupable, la transaction élargie et la prescription

Les possibilités pour la Justice de recourir au régime des repentis ont été étendues. Le champ d’application de la procédure de reconnaissance préalable de culpabilité a également été étendu. Le principe de la transaction élargie est aussi rendu plus strict et plus transparent. Enfin, les affaires de meurtre et de vol avec meurtre ayant un impact social important peuvent désormais être déclarées imprescriptibles. En effet, les projets de loi relatifs au droit de la procédure pénale I et II du ministre de la Justice Van Tigchelt ont été approuvés en séances plénières du Parlement fédéral les 28 mars et 4 avril 2024 et entreront bientôt en vigueur. Il s’agit de modifications du Code d’instruction criminelle.

Le ministre de la Justice Paul Van Tigchelt : «Le régime des repentis et la reconnaissance préalable de culpabilité sont des principes de droit qui peuvent contribuer au fonctionnement efficace et décisif de la Justice. Cependant, ils sont trop peu appliqués en raison des obstacles de procédure ou d’un manque de garanties pour les victimes. C’est pourquoi les régimes ont été modifiés, ce qui leur donne un plus grand impact. La Justice peut désormais y recourir plus fréquemment si nécessaire, tout en préservant les garanties contre les abus, précaution indispensable dans le cadre de ces procédures délicates. Nous rendons également l’application de la transaction élargie plus stricte et plus transparente, en prévoyant une audience publique et en l’assortissant d’une interdiction de gérer. Enfin, les affaires de meurtre particulièrement graves peuvent désormais être déclarées imprescriptibles ».

  1. Renforcement du régime des repentis dans la lutte contre la criminalité organisée

Les repentis ayant fait des révélations en échange d’une réduction de peine se sont révélés une arme importante dans la lutte contre la mafia, notamment en Italie et aux États-Unis. Dans notre pays, il s’agit d’un instrument juridique assez récent. La possibilité a été introduite par la loi du 22 juillet 2018. Cependant, depuis l’introduction de la loi, le régime des repentis n’a été mis en œuvre que deux fois par la Justice. Ce nombre réduit de recours à ce dispositif s’explique par des difficultés procédurales. La loi ne permettait pas explicitement qu’un tel accord ait lieu dès l’enquête préliminaire. C’est précisément à ce stade, lorsque les soupçons des autres suspects n’ont pas encore été éveillés, que le régime des repentis peut offrir une grande valeur ajoutée.

La loi stipule également que l’accord doit être conclu avant les déclarations, alors qu’il est difficile d’estimer la portée de celles-ci. Par ailleurs, les modalités de saisine du juge pénal sont pas claires. En outre, la procédure n’était pas autorisée dans les affaires relevant de la compétence de la cour d’assises, alors que celle-ci a précisément été instaurée que pour résoudre les crimes graves. Des modifications ont donc été apportées au Code d’instruction criminelle afin de combler les lacunes en question. Entre autres, une phase de négociation poussée est introduite, et ce, avant qu’intervienne l’accord entre le repenti et le procureur. Ce système permet au ministère public de mieux évaluer la portée et la nature des révélations avant de recourir à ce régime. En outre, la loi précise désormais explicitement que la procédure peut déjà être engagée au cours de l’enquête préliminaire et indique exactement comment l’affaire doit être portée devant le juge pénal. La procédure pourra également être utilisée dans les affaires criminelles devant la cour d’assises.

De cette manière, il sera bien plus pratique pour le ministère public de recourir au régime des repentis et, si nécessaire, il pourra l’appliquer plus souvent dans des affaires graves telles que les enquêtes sur la criminalité organisée ou le terrorisme, où il est difficile d’identifier les auteurs, de découvrir la vérité ou de progresser dans la poursuite de la vérité. Dans certaines affaires complexes, il peut être très utile d’avoir une personne qui connaît le milieu criminel en question et qui parle librement, permettant ainsi de mettre au jour tout le réseau.

  1. La reconnaissance préalable de culpabilité tient désormais compte de la victime

La reconnaissance préalable de culpabilité, également appelée le plaider coupable,a été introduite dans nos juridictions en 2016 afin de rendre la procédure judiciaire plus efficace dans notre pays. Ce dispositif prévoit que le procureur du Roi peut convenir d’une peine avec l’auteur de l’infraction sans passer par un procès, à condition que les faits puissent donner lieu à une peine d’au moins 5 ans de prison et que l’auteur de l’infraction plaide coupable, ait conscience de sa culpabilité et indemnise la victime. L’inculpé, assisté d’un avocat, doit accepter la proposition. La décision finale revient au juge pénal, qui examine si toutes les conditions sont remplies, si la peine est proportionnée et si le prévenu a conclu un accord d’indemnisation avec les victimes. Le juge peut également rejeter cette procédure.

L’avantage est ici que ce système permet d’éviter une bataille juridique longue et parfois pénible pour toutes les parties concernées, tout en punissant l’auteur de l’infraction et en indemnisant les victimes. L’une des raisons pour lesquelles cette procédure est peu utilisée est que la loi ne prévoit toutefois pas la participation des victimes. Par conséquent, les magistrats ont été, à juste titre, réticents à appliquer la reconnaissance préalable de culpabilité. De plus, la procédure n’est pas possible dans le cadre d’une instruction, c’est-à-dire dans les cas où un juge d’instruction a été saisi. Les dispositions ont donc été modifiées dans le Code d’instruction criminelle.

Ainsi, les victimes seront davantage impliquées dans la procédure. L’auteur de l’infraction et la victime peuvent désormais se mettre d’accord pour réparer immédiatement l’intégralité du dommage ou convenir d’un plan de remboursement. Une phase de négociation est également introduite et le délai d’acceptation de la peine proposée passe de 10 jours à 1 mois, la victime étant désormais impliquée.  Le champ d’application de cette procédure est étendu aux instructions, sous réserve de l’accord du juge d’instruction en charge du dossier.  En outre, au lieu du dispositif complexe actuel, le procureur du Roi pourra proposer une reconnaissance préalable de culpabilité selon une procédure simplifiée et par écrit. Enfin, lors de l’audience d’homologation de la reconnaissance préalable de culpabilité, le juge pourra décider de modifier l’accord. Il s’agit d’éviter que la procédure ne soit bloquée en raison d’erreurs matérielles. Bien entendu, le prévenu doit également marquer son accord.

  1. La transaction élargie rendue plus stricte et plus transparente

Depuis 2011, le ministère public a la possibilité de conclure une transaction avec les inculpés dans les affaires pénales, ce qui permet de ne pas engager de procès pénal. Ce système peut s’avérer utile dans les affaires fiscales complexes qui risquent de mener à une bataille de procédure et dont l’issue est très incertaine. En effet, les acquittements entraînent des coûts importants pour la société, tant en termes de capacité au sein de la Justice que de frais de justice. Grâce à la transaction élargie, la Justice a la certitude que les victimes éventuelles seront indemnisées, que les dettes fiscales seront payées et que les infractions présumées seront compensées par une transaction.

La procédure peut également s’appliquer aux instructions menées par un juge d’instruction et, depuis 2018, l’accord entre le ministère public et l’inculpé doit être homologué par un juge, qui doit vérifier la proportionnalité de la transaction. Néanmoins, la transaction élargie donne à certains l’impression d’un arrangement en coulisses car ces accords sont homologués à huis clos par la chambre du conseil, sans publication.

C’est pourquoi la loi a été adaptée en modifiant le Code d’instruction criminelle. Le principe de la transaction élargie sera rendu plus transparent et plus strict. Tout d’abord, l’accord entre le ministère public et l’inculpé devra désormais être homologué en audience publique à la chambre du conseil. Pour ce faire, les portes de la chambre du conseil devront obligatoirement rester ouvertes, la presse et le public pourront prendre place dans la salle, et l’accord sera dès lors publié. Cela favorisera le contrôle social, comme c’est le cas pour d’autres procès qui se déroulent en audience publique. Deuxièmement, il est prévu que le ministère public puisse exiger une interdiction de gérer pour l’inculpé, après la conclusion d’une transaction élargie. La durée de cette interdiction est de minimum 3 ans a et de 10 ans maximum. Ce système renforce la position de négociation du ministère public et permet d’éviter que l’inculpé ne puisse poursuivre ses activités.

  1. Imprescriptibilité pour certaines affaires de meurtre (avec vol), prolongation générale des délais de prescription

La prescription signifie que, si un laps de temps important s’est écoulé depuis que l’infraction a été commise, il n’est plus possible d’engager des poursuites pénales. Pour les crimes contre l’humanité, les génocides, les crimes de guerre et les infractions sexuelles sur mineurs, il existe déjà une exception. Ces affaires sont imprescriptibles et peuvent donc toujours être jugées, quel que soit le temps écoulé depuis les faits.

La loi du ministre Van Tigchelt, approuvée par le Parlement, fait en sorte que certaines affaires de meurtre et de vol avec meurtre deviennent désormais également imprescriptibles, à condition que ces infractions aient eu un impact majeur sur la société. Le juge doit se prononcer sur ce point en cas de renvoi de l’affaire. La loi prévoit l’imprescriptibilité, entre autres, des crimes qui portent gravement atteinte à un pays ou à une organisation internationale, qui causent une peur profonde au sein de la population ou qui déstabilisent gravement ou détruisent les structures de base d’un pays ou d’une organisation internationale.  La nouvelle réglementation, une fois mise en œuvre, pourrait potentiellement s’appliquer aux dossiers de terrorisme ou, par exemple, au dossier des tueurs du Brabant.

Les délais de prescription actuels seront portés à au moins 1 an au lieu de 6 mois. Les délits financiers ne seront désormais prescrits qu’après 10 ans au lieu de 5 ans.