15/12 — Cadre légal pour lutter contre le gaz hilarant et peines prévues pour la détention, la vente et le transport

Le Conseil des ministres a approuvé aujourd’hui un projet d’arrêté royal de la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden et du ministre de la Justice Paul Van Tigchelt, visant à lutter contre l’usage détourné du gaz hilarant. Les services de police et la Justice disposeront ainsi d’un cadre juridique clair pour sanctionner entre autres la détention, le transport et la vente abusifs de gaz hilarant.

Le gaz hilarant, ou protoxyde d’azote, est notamment utilisé dans les industries médicales, automobile et alimentaire. Il est relativement simple de s’en procurer sous forme de cartouches de crème fouettée ainsi qu’en plus grandes quantités, dans des bouteilles. L’inhalation de gaz hilarant produit une forte sensation d’ivresse.

Phénomène

Depuis plusieurs années, la consommation de gaz hilarant est en augmentation chez les jeunes. Cette pratique comporte des risques importants. Les poumons peuvent geler si le gaz est inhalé directement d’une bouteille ou d’une cartouche de crème fouettée. Il peut provoquer des brûlures ou un pneumothorax. Les consommateurs qui en inhalent d’importantes quantités peuvent perdre connaissance, et un usage fréquent risque d’entraîner des lésions irréversibles du système nerveux central. Le produit inhibe également l’absorption de la vitamine B12.

En raison de l’effet d’ivresse et des troubles de la coordination qui en résultent, il est particulièrement dangereux de participer à la circulation après avoir consommé ce produit. Même plusieurs heures après l’inhalation, des signes de distraction et de perte de concentration continuent d’être observés. Des accidents, parfois mortels, se sont déjà produits dans notre pays à la suite d’une consommation de gaz hilarant avant de prendre le volant.  Selon une étude de l’Institut de sécurité routière VIAS, un jeune Flamand sur cinq admet avoir déjà conduit sous l’effet du gaz hilarant. À Bruxelles, cette proportion est même d’un individu sur trois.

Lors des contrôles routiers, la police est confrontée à un nombre croissant de personnes transportant de grandes quantités de protoxyde d’azote destinées à la distribution ou à la vente. Les « fournisseurs » voient également dans cette hausse de la consommation de gaz hilarant une opportunité de marché. Leurs produits ne sont évidemment pas destinés aux utilisateurs professionnels, mais aux points de vente clandestins ciblant les consommateurs à la recherche d’un effet d’ivresse.

Ces dernières années, les zones de police locale ont également été de plus en plus confrontées à cette problématique. Des capsules vides, des petites bouteilles et de grandes cartouches sont très souvent retrouvées en pleine rue. Le problème se pose surtout dans les grandes villes. Certaines communes bruxelloises évoquent des milliers de cartouches trouvées chaque année.

Sanctions prévues

Il est déjà interdit de vendre des cartouches de gaz hilarant aux mineurs. Certaines zones de police ont déjà inscrit dans le règlement de police l’interdiction de détention de gaz hilarant dans les lieux publics. Cette démarche permet d’imposer des sanctions SAC dans le cadre de nuisances. Le gouvernement reconnaît toutefois que l’usage détourné de gaz hilarant comme substance euphorisante doit être interdit de manière générale. La police et le parquet réclament également depuis longtemps des instruments juridiques pour lutter entre autres contre la détention, le transport et la vente de gaz hilarant. Non seulement pour en freiner l’usage récréatif, mais aussi pour éviter qu’il soit vendu sans restriction et que certaines personnes en fassent un commerce lucratif au détriment de la santé et de la sécurité routière.

Le Conseil des ministres a donc approuvé vendredi un arrêté royal qui introduit le gaz hilarant dans la loi sur les stupéfiants.

Concrètement, la vente, l’achat, l’offre, l’importation, le transport et la détention de gaz hilarant seront interdits tant physiquement qu’en ligne. En cas d’infraction, la police dressera un procès-verbal. Le gaz hilarant pourra être saisi et le ministère public pourra décider d’engager des poursuites.

S’il s’agit d’un usage personnel, une amende pouvant aller jusqu’à 200 euros peut être infligée au premier délit. Lors d’un deuxième et troisième délit, l’amende pourra atteindre respectivement 400 et 800 euros. Pour les infractions plus graves, qui ne concernent plus des quantités à des fins d’usage personnel, des amendes beaucoup plus lourdes, des confiscations et même des peines de prison pourront être prononcées, comme le prévoit la loi sur les stupéfiants. 

Il n’est évidemment pas question de fait punissable si le gaz hilarant est destiné à des fins médicales, techniques ou culinaires. La police et le parquet doivent donc apporter les éléments nécessaires lors de contrôles, constatations et enquêtes visant à établir les raisons pour lesquelles, entre autres, la détention, le transport ou la vente de gaz hilarant sont abusifs.

L’arrêté royal va maintenant être soumis au Conseil d’État. L’interdiction d’usage détourné de gaz hilarant pourrait entrer en vigueur au cours du printemps 2024.

Annelies Verlinden, ministre de l’Intérieur :

« Il est important de mettre en place une politique d’application uniforme de la législation. Avec cette initiative, nous voulons déjà répondre aux demandes des autorités locales et des zones de police locale, qui réclament une meilleure approche de la problématique du gaz hilarant. Le gouvernement fédéral a également été invité à se saisir de la question de l’utilisation détournée du gaz hilarant. L’approbation de cet arrêté royal par le Conseil des ministres est un pas important dans la bonne direction. Cette décision nous permet surtout de nous attacher à réduire la consommation de gaz hilarant. Car bien que l’effet euphorisant soit de très courte durée, les risques pour la santé sont nombreux et graves. »

Paul Van Tigchelt, ministre de la Justice :

« L’utilisation de gaz hilarant comme substance euphorisante a atteint des proportions problématiques. Cette pratique est néfaste pour la sécurité routière et entraîne des risques pour la santé ainsi que des nuisances. La police et le parquet demandent depuis longtemps un cadre juridique clair et uniforme pour lutter contre ce phénomène. Grâce à cette interdiction, la détention, le transport et la vente de protoxyde d’azote en vue d’un usage détourné pourront être sanctionnés de la même manière que le cannabis. Ce sont la police et le parquet qui devront apporter des éléments pour démontrer que le protoxyde d’azote est bien destiné à un usage illicite. Les personnes qui souhaitent réellement faire de la crème fouettée pourront toujours le faire. »